Bonjour !
Ce neuvième numéro de A3 a été réalisé entre septembre et novembre 2023 avec Le FacLab de l'Université de Cergy-Pontoise à Gennevilliers. Le thème de la Pédagogie, et plus précisément de l'apprentissage par les pairs et parle faire a été retenu par l'équipe du lieu pour servir de fil rouge à la création de ce numéro. Les contenus ont été conçus et créés conjointement par les étudiant.e.s du Diplôme Universitaire Technique de Facilitation et de Fabrication Numérique, par les membres de l'équipe salariée du FacLab CY et par le collectif A3.
Contributions >
Adrien, François-Xavier et Pierre (FacLab), Aline, Virginie, Lucas, Yann, Rafaëla, Florence, Gauthier (apprenant.e.s du diplôme universitaire Fabmanager, techniques de facilitation et de fabrication numérique), Titouan et Philippe, Jeanne
Antonin et Hugo du collectif A3
Typographie >
Famille Multi + Montserrat
Graphisme >
Hugo (A3) et les apprenant.e.s du DU
Impression Riso > FacLab
"Je suis venu simplement avec l’envie de faire par moi-même, faire avec d’autres aussi. Avant ce beau jour où j’ai franchi la porte du fablab en bas de chez moi, je ne connaissais rien aux machines de prototypage rapide, rien à la modélisation 3D, rien de toutes ces techniques emblématiques des makers. D’initiations en découvertes de savoir-faire offertes par les autres membres, je me suis forgé mes petites spécialités et j’ai sympathisé avec certaines machines. D’autres ont voulu découvrir à leur tour comment faire par eux-mêmes, comment faire avec les autres. Avec eux, chemin faisant, mes petites spécialités et mes machines préférées sont devenues nos grandes spécialités et nos machines préférées.”
Mieux qu’une boucle vertueuse, les fablabs mettant l’apprentissage et le partage au cœur de leur activité offrent une spirale vertueuse qui accroît les compétences des individus comme de la communauté. Le leitmotiv APPRENDRE, CRÉER, PARTAGER est dans l’ADN du FacLab depuis sa création en 2012. Aujourd’hui, les étudiant·es de notre 13e promotion du Diplôme Fabmanager, Technique de Facilitation et de Fabrication Numérique investissent les colonnes de la revue A3 pour transmettre à leur tour leur vision de ce que peuvent les fablabs pour apprendre autrement, apprendre par le faire, apprendre par les pairs.
Bonne lecture !
Explorer les courants artistiques, mouvements sociaux ou les pratiques passées qui font l'histoire de nos lieux.
Elise et Célestin Freinet initient dès le début du 20ème siècle une pédagogie qui continue aujourd’hui encore à éclairer et inspirer l’action des fablabs.
La pédagogie Freinet est un modèle largement cité. Cependant l'utilisation de ce seul patronyme occulte l'aspect collectif de la démarche tant dans son élaboration que dans sa réalisation. Collaboration et réseau y tiennent effectivement une place fondamentale.
A l'intérieur de la classe, l'instituteur n'est plus à la tête de la pyramide des savoirs, mais prend plus un rôle de facilitateur au sein d'un fonctionnement horizontal d’échange entre élèves. Pédagogie par projet, respect des intérêts propres à chaque élève, documentation et partage de l’expérience, sont autant d’aspects que l’on retrouve aujourd’hui dans des programmes déployés en fablabs.
Citons ici le travail proposé par E-Fabrik ou encore par les Petits Débrouillards, deux structures qui intègrent pleinement l’héritage des pédagogies alternatives et de l’éducation populaire.
En 1924, Célestin Freinet fait l'acquisition d'une presse. L’écriture, la documentation et l'édition deviennent alors le projet central de la classe. La correspondance et le journal de classe permettent le partage et les échanges. Les Freinets, apôtres de la libre expression, font imprimer tout le monde. Ainsi la voix traditionnellement sacrée du livre se voit transformée en une voix populaire: une voix multiple de tou·te·s pour tou·te·s.
Enfin, en mettant en place et en réalisant une coopérative d'enseignants et des publications inter-établissement, les Freinets jouent un rôle de mise en relation. Le lien entre les pédagogues permet alors de mutualiser les pratiques, les expériences, les outils. Un héritage inspirant pour les réseaux de fablabs et de tiers-lieux.
Découvrir les lieux à travers des entretiens avec celles et ceux qui les fréquentent
Raffard & Roussel sont un duo de plasticiens qui travaille sur notre rapport aux machines et à l’environnement. Ils accompagnent souvent leurs projets d’un fascicule appelé « Vocabulaire de travail » qui est un outil pédagogique pour appréhender leur œuvre. Dans le cas de la machine Terrestrographique, qu’ils ont fabriqué suite à la panne de leur imprimante, nous avons lu ce vocabulaire et les avons interrogé•es sur les questions d’apprentissage par l’expérience, de transmission de connaissance et de pédagogie.
http://www.raffard-roussel.com/
Quel est votre parcours ?
Nous venons des arts graphiques et nous sommes aujourd’hui en train de passer deux thèses de doctorat. Nous avons une pratique dite de recherche-création. Nous travaillons sur les questions technologiques et leur rapport à l’écologie. On interroge le lien entre les humain.es et les machines et comment ces dernières influent sur notre appréhension du monde.
Quel est votre rapport à la transmission et la pédagogie ?
Nous enseignons dans des écoles d’art et de design où nous transmettons des savoirs et méthodologies à nos étudiants.
Pour notre projet de machine Terrestrographique, on a démonté une machine Epson et on a fabriqué une autre imprimante. On s’est rendu•es compte que toucher les composants d’une machine ça nous permettait d’acquérir de la connaissance. Par le fait d’ouvrir et de manipuler des objets. On pousse donc nos étudiants et nos étudiantes à mettre les mains dans le cambouis, à vraiment aller sur des terrains inconnus et mener des expériences.
Il y a la question de la médiation dans vos expositions pour faire comprendre votre machine et votre démarche.
C’est la pièce qui porte sa médiation. L’aventure et les épreuves qu’on a traversées pour la fabriquer ont rendu visibles beaucoup de problématiques. Nous les retraçons dans l’exposition et le « vocabulaire de travail » afin de rendre publiques ces questions.
Pour le design, on a fait le choix que tous les composants soient visibles, rien n’est caché, c’est vraiment l’anti Black box. À part le moteur et la tête d’impression dont on peut dire qu’ils sont encore “blackboxés”, tout ce qui était montrable est montré, même la façon dont elle est montée, le dispositif de courroies qui permet de faire de faire bouger la tête d’impression est apparent.
Dans l’exposition, on l’accompagne d’autres éléments de décryptage de la démarche, comme le travail autour du suivi d’expédition. Tous les composants pour la machine qu’on ne pouvait pas trouver autour de chez nous, nous les avons commandés sur un seul site internet, Mano Mano, pensant que c'était une boutique et qu’ils nous enverraient un seul colis. C’est en réalité l’Amazon du bricolage et on a reçu une trentaine de colis de toute l’Europe. C’est tout un travail de visibilisation de l’origine, en tout cas commerciale, car tous ces composants et matériaux sont bien sûr fabriqués en Asie.
On montre aussi les encres, les matières qu’on a récoltées autour de chez nous et le nuancier de couleur
s locales avec lequel on a remplacé les cartouches d’encres.
Quel est le rôle du fascicule « Vocabulaire de travail »?
C’est un texte qu’on essaie de faire pour chaque exposition. C’est une manière de transmettre la boîte à outils conceptuelle et artistique de tout ce qu’on a mobilisé pour faire le projet. On imprime cette petite brochure qui permet de rentrer dans l’aventure et qui fait partie du dispositif de l’exposition.
On ne veut pas faire des installations artistiques mystérieuses ou énigmatiques. Ce qu’on a à dire doit être dit et entendu. En même temps, on essaie de ne pas non plus aller trop vers le design, de se maintenir dans le champ de l’art contemporain. On avance sur ce chemin de la démocratisation de savoirs, mais c’est très très long, on doit déconditionner beaucoup de réflexes qu’on a pour faire des œuvres accessibles.
Vous donnez quand-même beaucoup de clés dans le « Vocabulaire de travail » pour éventuellement aller plus loin. Il pourrait presque être un manuel scolaire ! Si un prof de techno se basait dessus, il propagerait les bonnes ressources, matériaux et les bonnes pratiques pour de futurs artistes, makers ou ingénieurs !
Oui pourquoi pas ! Ça serait notre rêve ! Ça rejoint la culture des techniques, ou la philo des techniques de Gilbert Simondon, qu’on a découvert et à quoi on est maintenant très attentif•ves. On a une bonne culture de la chaîne technique et des assemblages mécaniques des machines auxquelles on travaille. Si c’était transmis dès l’école primaire, ça serait plus simple de rendre visible les problèmes et de les résoudre. Depuis qu’on a démonté la pompe à encre mais aussi depuis qu’on a fait nos encres, en faisant toutes ces petites opérations et en les mettant bout-à-bout, on a la sensation d’avoir une connaissance de cet objet imprimante assez panoramique, alors qu’on n’est spécialistes de rien. Cette méthodologie peut s’appliquer à d’autres domaines.
Et pour relier notre démarche à une pensée des pédagogies par exemple, on dit qu'on aime bien les « expositions de médiathèques”., c’est un bon modèle pour la transmission pédagogique du savoir. On fabrique un dispositif en grand sous la forme d’une sculpture pour que les gens puissent le manipuler donc ça c’est la dimension pédagogique, sculpturale et artistique, pour qu’il puisse être compris autrement que dans sa dimension technique. Ça introduit aussi la dimension politique, parce qu’on vit dans un monde compliqué et celui qui vient l’est encore plus.
Nos lieux dessinent des futurs, tentatives de récits de prospective ou de science-fiction.
Apprendre c’est voler.
Ce matin c’est le début d’une nouvelle ère : fermeture de la dernière école du secteur. On a été dépêché sur zone dès le lever du jour avec les collègues ; l’opération risque d’être musclée. Personnellement, je ne comprends pas ces gens qui s’excitent. Pourquoi lutter pour le vieux système ? On sait tous que les écoles coûtent cher et ne servent plus à rien. Quel profit à entretenir des locaux à moitié vides et des profs dépassés ? Tout ça c’est fini.
Depuis qu’AVCorp a démocratisé l’accès au savoir par implantation mémorielle, les enfants ne passent plus leurs journées avachis sur une chaise. Ils peuvent enfin profiter de la vie : s’amuser, sortir en famille, faire du sport. Comme je suis gardien de la paix, la prochaine mise à jour de mon choix m’est offerte. Je vais pouvoir être plus efficace en mission, grâce à l’intégration de données pour traquer les partisans de l’ancien monde. Ces illuminés vivent comme nos ancêtres et partagent illégalement des connaissances dans des tiers lieux clandestins. Et ils refusent l’implantation cérébrale à la naissance pour leurs enfants. Ils sont complètement déconnectés.
Je ne sais pas grand chose sur eux … J’attends mon opération avec impatience. Il n’y a aucune raison d’être opposé à l’implant. La seule chose que recherche AV Corp c’est un monde plus harmonieux, cultivé et apaisé … Chaque citoyen peut pratiquement tout savoir sur tout, à moindre coût. En offrant les connaissances de base en langage, en calcul et en culture générale à tous les jeunes enfants, AVCorp contribue à l’égalité des chances. Le taux de criminalité a drastiquement chuté : je le sais car ils ont les stats au boulot. Les citoyens partagent les mêmes valeurs, les mêmes connaissances, ils sont moins exposés au crime et à la violence.
Aujourd’hui, seuls les rétrogrades non-implantés commettent des délits : l’apprentissage sans implant est le plus courant. Mais bientôt notre mission sera d’en finir avec tous ces criminels qui volent la connaissance à AVCorp.
Finalement, je suis bien content de vivre dans cette époque formidable : plus besoin d’apprendre un tas de choses durant mon temps libre. L’achat des programmes de connaissances AVCorp est devenu ma première dépense mensuelle. Ce mois-ci, j’ai craqué pour les dernières options du pack « maintien de l’ordre » : stratégie anti-émeute, maniement expert de la matraque et tir de précision au flashball. Les copains de l’escadron avaient déjà l’extension, je pourrai enfin rivaliser sur le terrain.
Je suis fier de mon travail et du monde que AVCorp nous permet de bâtir. J’ai conscience que mon rôle est capital. Je serai à la hauteur. Vive AVCorp !
Texte écrit par Titouan Bessenay et Philippe Chevalier, étudiants de la filière Design et Création Numérique de l'Ecole Estienne.
VERSO
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