Bonjour !
Ce troisième numéro de A3 a été écrit entre mars et avril 2022. Il a été coordonné conjointement par les équipes du programme E-Fabrik et par le collectif A3. Ce numéro propose humblement d'aborder les enjeux d'inclusion liés au monde des ateliers de fabrication et aux Tiers-Lieux.
Textes : Arnaud Malher, Julie Garnier, Antonin Fournier, Marie Daubert
Graphisme : Hugo Sandevoir
Make Her Space
Les enjeux de l'inclusion en Tiers-Lieux
TUTO HISTOTutoriels E-Fabrik
Woman House
Logan Duron Apprenti E-Fabrik
Parcours E-Fabrik - Alexandre Chery
Pourquoi parler d'inclusion pour ce numéro de A3 ? Les fablabs et les lieux du faire sont des dispositifs au croisement de plusieurs cultures, mêlant éducation populaire, artisanat local ou encore innovation technologique. Si l'éducation populaire, imprégnée d'un fort héritage militant et politique (au sens noble), est orientée vers l'accès aux savoirs et ressources pour tous et pour toutes, certains lieux tendent à mettre de côté cet aspect qui nous semble pourtant fondamental : alors faire oui, mais pourquoi, pour qui et surtout par qui ?
Pour s'assurer qu'un lieu soit véritablement ouvert il ne suffit pas de le déclarer, il faut d'abord effectuer un travail d'analyse critique sur son fonctionnement : conditions d'accès, composition des équipes, discours à l'accueil, agencement de l'espace, messages délivrés aux publics... Ensuite il faut des moyens (humains et/ ou financiers), ou à minima du temps, pour la mise en œuvre d'un modèle inclusif. Certaines structures, malgré leurs volonté d'ouverture sont prises dans des enjeux de survie économique et n'ont donc pas la disponibilité ou les ressources nécessaires.
Plus intéressant encore : les bonnes intentions ne font pas tout. Il est nécessaire de démultiplier les points de vues et d'écouter les autres pour véritablement saisir ce qui rend un lieu inclusif. Autrement nous risquons de reproduire un espace que nous considérons accueillant, mais qui ne le serait qu'à l'aune de nos propres grilles de lectures et de notre compréhension du monde. Car nous sommes toujours situés socialement, et nous ne pouvons pas nous substituer au regard et à l'expérience d'autrui.
Le chantier est donc immense, et c'est tout le sens de Make Her Space, un groupe de travail dédié aux enjeux d'inclusion de genre dans les fablabs, que de proposer des temps d'échanges et des outils pour aider les lieux sur ce sujet. Il paraît essentiel de soutenir et de démultiplier ce type d'initiatives.
Explorer les courants artistiques, mouvements sociaux ou les pratiques passées qui font l'histoire de nos lieux.
Womanhouse
Womanhouse c’est une exposition qui a duré un mois, organisée par Miriam Shapiro et Judy Chicago, qui a marqué l’histoire de l’art et celle du féminisme dans l’art en janvier 1972. Cette approche est née d’un constat simple : empêchée d’enseigner et d’exposer à CalArts (California Institute of the Arts) parce que femmes, elles vont se créer leur propre espace. Miriam, Judy et vingt-cinq autres femmes artistes ont emménagé une maison qui devait être détruite et l’ont transformée en espace d’exposition. Ce besoin, cette idée de se créer un espace à soi va également s’ancrer et être l’héritage direct de deux ouvrages féministes majeurs. “Une chambre à soi”, écrit par Virginia Woolf en 1929. Ce livre met en avant le besoin pour les femmes d’avoir un espace qui leur est dédié chez elles, dans leur maison. En effet, puisque leur présence est confinée à l’espace privé domestique, il lui faut un endroit où elle peut se réfugier et fermer la porte pour exprimer librement son individualité et sa créativité sans être dérangée.
Cette année de 1972 est une année également très symbolique puisque c’est l’année où Linda Nochlin publie un ouvrage fondamental : “Pourquoi n'y a-t-il pas eu de grandes femmes artistes?”. En effet, si pendant toute sa vie la femme ne peut rien faire sans l’accord de son père, de son frère ou de son mari, on se doute bien que vivre de sa créativité est quasiment impossible. Woman House c’est donc la rencontre de deux notions : un genre – le féminin – et un espace – le domestique, tous deux remis en question avec force. C’est un regard sur la domination masculine, sur la thématique de la “femme-maison”.
Lecteurs et Lectrices d’A3, j’entend d’ici votre question : pourquoi parler d’exposition et d’art dans un fanzine dédié à la culture maker ? Rappelez-vous, au début de mon article je vous racontais que la maison était destinée à la destruction, et donc plus du tout en état d'héberger qui ou quoi que ce soit. Elles ont donc dû remettre la maison à neuf par elles-mêmes et apprendre notamment à installer l’eau, l'électricité et le chauffage. A une époque où les stéréotypes et les injonctions faites aux femmes étaient encore plus prononcés que maintenant, le fait que ces femmes ont elles-mêmes construit leur espace physiquement donne encore plus de force à cette exposition. La culture maker, de par son histoire, est un mouvement qui a montré que l’espace et l’objet sont des outils qui permettent de remettre en question les systèmes de partage, d’apprentissage et mais aussi de pensée. Pour l’anniversaire des 50 ans de cette exposition, je voulais glisser quelques mots sur l’histoire de ces femmes. Je laisse les dernières lignes de cet article à Virginia Woolf, qui je trouve résume et illustre très bien ce projet : « Car les femmes sont restées assises à l’intérieur de leurs maisons pendant des millions d’années, si bien qu’à présent les murs mêmes sont imprégnés de leur force créatrice. » (Une chambre à soi, Virginia Woolf, 1929)
Pour aller plus loin : Le documentaire Womenhouse
Découvrir les lieux à travers des entretiens avec celles et ceux qui les fréquentent
Logan Duron - Apprenti E-Fabrik
Où est ton FabLab? Combien de temps mets-tu pour y aller ?
Il est à Drancy c'est le fablab E-FABRIK’. J'ai pour à peu près 40 mn de trajet en bus.Qu’est-ce que tu fais au fablab ?J'utilise le fablab pour apprendre les métiers de fabrication numérique dans le cadre de la formation E-FABRIK’ [la formation s’articule autour de défis dont le but est de créer un objet pour aider une personne en situation de handicap - ndlr]. Ce que j’utilise le plus c’est la découpeuse laser, l'imprimante 3D et l’électronique (Arduino)
Dans tes projets de fabrication, combien de temps passes-tu sur la fabrication ?
Je dirais que je passe environ 1/3 du temps sur le prototypage qui nécessite l’utilisation des machines. Et le reste pour la conception : du dessin, réfléchir aux projets.
Avec combien de personnes interagis-tu et comment le travail est réparti ?
Sur les défis, on est deux ou trois. Pour la répartition du travail, je préfère quand ça se fait de manière organique. Chacun va se mettre d'instinct sur un truc. Une fois que ça prend forme, on peut plus se répartir le travail. Ça évite aussi la hiérarchie dans le groupe.
Qu’est-ce que ton expérience au fablab d’E-FABRIK’ va apporter à ton parcours ?
J'ai fait mes études dans une école de cinéma, et passé quelques mois à chercher dans ce domaine. Je suis venu ici car j'ai reçu un mail de ma mission locale pour E-FABRIK'. Avec cette expérience, mon projet a pas mal évolué, sans forcément quitter le ciné, je pense me spécialiser plus sur les fablabs.
Quelle image avais-tu des fablabs avant et quelle image tu en as maintenant ?
J’avais l’image d’un endroit pour initié. Je ne voyais pas trop la différence avec un atelier ou un garage. Maintenant je vois qu’on peut y fabriquer des choses pour la vie de tous les jours. Par exemple, trouver des moyens d'adapter le quotidien de personnes en situation de handicap, ou se faire une coque de portable personnalisé. C'est plus concret maintenant qu'avant.
Nos lieux dessinent des futurs, tentatives de récits de prospective ou de science-fiction.
Make Her Space
Cette fois le futur c'est maintenant !
Le collectif MakeHerSpace lutte contre les inégalités de genre dans les fablabs et espaces du Faire, à travers des rencontres, des ateliers de sensibilisation, des événements, etc. Nous travaillons en ce moment à la rédaction d’un manuel.
Pour cela nous avons besoin de vous, les personnes fréquentant les labs et les lieux qui accueillent : est-ce que vous avez déjà rencontré des difficultés? C’est quoi pour vous un lab inclusif? Est-ce que vous avez des bonnes pratiques qui fonctionnent ou que vous avez vu fonctionner et que vous souhaitez partager? Plein de choses formidables se passent dans ces lieux, aidez-nous à les valoriser! Pour participer/témoigner/donner des idées, c’est ici que ça se passe: https://www.makeherspace.fr/
Dans chaque numéro un tuto élaboré par un de nos lieux.
Aider une personne à communiquer en langue des signes avec son smartphone a fait l’objet d’un défi E-FABRIK’!
Les défis E-FABRIK’ associent des jeunes et des personnes en situation de handicap. Ensemble iels imaginent et produisent une solution concrète pour répondre à une gêne qu’éprouve la personne handicapée au quotidien, en apprenant à utiliser les outils et les lieux de fabrication numérique.
>> Retrouvez l'intégralité des projets E-Fabrik documentés <<
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