Ce troisième numéro de A3 a été écrit entre avril et juin 2022. Il a été coordonné conjointement par les équipes de Womaet par le collectif A3. Ce numéro a été réalisé pour les portes ouvertes des fabriques innovantes organisées par MakersIDF et la Ville de Paris.
Textes : Soumaya Nader, Julie Garnier, Antonin Fournier, Quentin Perchais, Zélie Chomez, Vincent Guimas
Graphisme : Hugo Sandevoir
Fablabs et Communs
Un dimanche de décembre 2051
HISTO TUTOUpcycling de skate cassé
Les bourse du travail
Portes Ouvertes
Zélie Chomez - Urbaniste
La révolution des fablabs et les communs, avec les imprimantes 3D qui vont nous permettre de tout réimprimer pour lutter contre l’obsolescence programmée, la Fab City qui fera couler Ikea à coup de mobilier open-source fabriqué en ville, les tiers-lieux qui offrent des espaces de résistance solidaires face à une société de plus en plus individualiste… Les ambitions sont grandes, mais qu’en est-il vraiment ?
Qu’y a-t-il après tous ces grands discours qui perdent de leur crédibilité au fur et à mesure qu’on essaie de les réaliser ? Nous, qui baignons dedans, devrions être capable de témoigner de notre impact et avons la responsabilité de crédibiliser notre image. Qu’avons-nous à partager entre nous, et surtout au grand public qui soit ai plus d’impact qu’une statuette de Yoda en plastique ?
Avec la crise de la covid, nous avons enfin pu faire la démonstration de notre pertinence. Montrer qu’il y a des espaces dans la vie de tou.te.s, où nous avons du sens et pouvons être utiles. Que ce soit du matériel sanitaire d’urgence, du mobilier urbain en réemploi, de l’accueil de public fragile, de la formation aux nouveaux métiers de l’économie circulaire, de l’accompagnement au développement de projets industriels, quelles sont les actions concrètes portées par vos lieux et communautés que le grand public puisse comprendre ?
Ce 25 juin, nous aurons l’occasion de nous ouvrir ; les ateliers, les machines, et les savoir-faire, les technologies, les méthodes et les métiers qui permettent de contribuer à la société d’aujourd’hui.
Montrer aux habitant.e.s et usager.e.s qu’il est déjà possible de repenser les modes de consommation, de fonctionnement et de partage, peut-être pas à la hauteur des promesses initiales, mais à l’échelle de chacune et chacun d’entre nous.Arrêtons de sculpter de la fumée et montrons les applications concrètes qui ont de l’impact à notre échelle.
Explorer les courants artistiques, mouvements sociaux ou les pratiques passées qui font l'histoire de nos lieux.
Dans une pastille Histo et dans un numéro où on parle de lieux qui promulguent les Communs, il me paraissait évident de vous faire (re)découvrir ce que sont les Bourses du Travail (ou “Maisons du Peuple” en Europe).
Les Maisons du Peuple sont nées fin du XIXème - début du XXème siècle, à la veille de la première guerre mondiale. A la base un bureau de placement des ouvriers pour les syndicats, elles ont rapidement évolué. Elles incarnent le principe coopératif et appartiennent à tou.te.s ses membres, comme le rappelle ce tract annonçant une assemblée générale à la Maison du Peuple “La Paix”, à Roubaix en 1906 :
“
Coopérateurs, vous ne devez pas oublier que, chez nous “Tout est à Tous”
”
La propriété collective est ainsi mise en avant.
Aujourd’hui devenu de simples locaux, des cafés-brasserie, des commerces, des habitations, voire juste des façades... Les Maisons du Peuple d'hier constituent un véritable patrimoine social que l'Histoire et la spéculation immobilière ont soit oublié, soit détruit.
Dans mes recherches sur le sujet, une phrase par Emile Vanderwelde m’a marquée :
“
Le but à atteindre pour rendre tout le monde heureux, c’est de faire en sorte que les richesses et les instruments de travail, actuellement possédés par quelques-uns, le soient par tous.
”
Une citation qui illustre parfaitement ce qu’étaient ces Bourses du Travail.
Des lieux partagés, proches des mouvements d’éducation populaire et qui proposaient des cours du soir professionnels ou généraux. Ils étaient également un haut lieu de partage et de transmission de savoir, notamment avec le développement de bibliothèques et d’événements culturels.
Ça ne vous fait pas penser à quelque chose ? Difficile en effet, sur le fond, de ne pas faire le lien avec nos fablabs et makerspaces !
Faire par soi-même, apprendre avec les autres, favoriser l’accès pour tou.te.s à des machines auparavant réservées à des industries, mettre dans un pot Commun les savoirs et les projets, donner accès à des espaces pour faire naître et cultiver l’intelligence collective sur des sujets sociaux et sociétaux …
Même si nos lieux ne sont pas emprunt de luttes syndicales comme les Bourses du Travail, est-ce qu’on ne pourrait pas considérer qu’ils promulguent également une forme d’émancipation populaire ?
Découvrir les lieux à travers des entretiens avec celles et ceux qui les fréquentent
Qui es-tu ?
Je suis Zélie, urbaniste de métier et passionnée par les tiers-lieux.
Comment tu t’es retrouvée à Woma ?
J’ai fait un master d'urbanisme et j’ai découvert les tiers-lieux dans ce cadre-là. En même temps, une de mes camarades, Blanche, terminait un service civique à Woma. Elle m'a proposé de postuler, ce que j'ai fait un peu par hasard, et j'ai démarré ma mission début mars 2020.
Qu’est-ce que tu fais à Woma ?
On peut dire que mon rôle a évolué petit à petit, mais j’ai eu du mal à trouver ma place. il y a 2 ans, j'arrivais en service civique dans un lieu où tout le monde se connaissait, un peu timide.
On m’a laissé la liberté de créer mon projet, mais quand toutes les portes sont libres on a du mal à se décider et trouver sa légitimité. D'autant plus qu'avec la crise sanitaire je suis rentrée chez moi, à Marseille. Je voyais l'équipe en visio. Je devais aussi faire un mémoire pour mes études et je n'avais pas encore choisi mon cas d'étude. Je voulais travailler sur les tiers-lieux mais aucun n'était ouvert avec le covid. C'est à ce moment que j'ai décidé de parler de cette mobilisation covid (makersxcovid). Depuis Marseille j'ai fait du recueil d'informations, du recensement, de l'archive. J’ai interviewé plein de structures et acteurs différents, ce qui m'a permis de comprendre comment tous ces lieux fonctionnent. Quand je suis revenue de Marseille avec toutes ces infos là, l'équipe de Woma m'a orientée vers l'écriture et la production d'une exposition comme projet de mission.
Tu peux me parler + de l’expo ?
Cette expo a été un travail développé en parallèle de la rédaction de mon mémoire. Tellement de lieux et acteurs ont participé aux entretiens, à la cartographie… Un des thèmes est “Demain on fait quoi ?” et c’est important par rapport aux communs. J’avais théorisé la notion des communs, qui est pour moi incarnée par les fablabs et les tiers lieux. La crise a permis l’organisation d’un réseau bien organisé qui pouvait assurer pas mal de besoins d’une ville productive, avec une production distribuée et locale. Mais comment on peut garder ça au quotidien, pour être efficace lors d’une prochaine crise ?
Nos lieux dessinent des futurs, tentatives de récits de prospective ou de science-fiction.
Aujourd’hui c’est dimanche et Jean Louis est content. C’est son anniversaire, il vient d’avoir 20 ans. Son père lui a offert une recharge ALG+ 20kg. Il reçoit des amis pour une première virée en E-licoptère, modèle Ponton Sport.
Pour préparer le vol et la journée, Jean Louis doit récupérer ce matin la pile au Motion Store du quartier, celui au pied de la tour SOL3. Avant de sortir, il hésite entre pilules ou flakes pour son petit déjeuner ? Ce sera un jus d’hortensia et une tartine de Fôss. L’aube pointe à peine au pied de l’immeuble et le petit matin frisquet l'enivre. Les lampadaires s'allument au rythme de sa foulée. Sur ses pieds nus, un éclairage doux, adapté, saisissant. Personne dans la rue. La chaussée semble le suivre. Depuis la loi AGEC de 2022, puis la directive GIEC 2030 et sa technologie E-chain adoptée par 271 pays, les grandes métropoles du monde se soumettent à l’ISO MotionLUM sous peine de malus, d’une gestion contraignante de leurs communs négatifs. La production et la consommation d’énergie sont un commun établit depuis plus de 20 ans.
D’ailleurs le premier réflexe de Jean-Louis ce matin est de regarder son compte AMELI-MOTION pour vérifier que son ALG+20kg a bien été crédité. Ne jamais être débiteur plus de 3 fois dans l’année est entré dans les mœurs. Le Motion Store apparaît sous les arcades de la tour SOL3. Haute de 324 mètres, elle accueille 4 turbines GiantWind sur une hauteur de 20 étages. Sa paroi est entièrement photovoltaïque et un bioréacteur ALG+ est installé dans ses sous-sols. La production d'un nouveau type d'algues micro-biotiques, il y a 15 ans, a révolutionné la production d'énergie. Cent fois plus productives en hydrogène que toutes celles connues auparavant, le Motion Store proposent depuis 3 ans des piles ALG+ à des prix abordables.
Depuis 2046, Bagnolet est la 46 ville de France à atteindre une autonomie de 80% en énergie renouvelable. 7h20. Jean Louis colle sa montre sur un des pad Take&Go disponible. Il lève la tête pour regarder les immenses pales des éoliennes danser au cœur de la tour. La peau du bâtiment commence à capter les premiers rayons de soleil. Le spectacle est quotidien, la routine est sublime. Il pense aux livres de Nicolas Schöffer, aux 100 ans qui séparent sa Ville cybernétique des tours SOL, ces nouveaux Parthénons qui pilotent la ville, qui gouvernent une résilience énergétique mondiale amorcée il y a 50 ans. La recharge ALG+ s’annonce par un bip. La ridelle du distributeur s’ouvre. Jean-louis est content. C’est son anniversaire, il vient d’avoir 20 ans.
Dans chaque numéro un tuto élaboré par un de nos lieux.
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